BERGEN
VILLE RÉGÉNÉRATRICE ?
Critère 4:
Adaptabilité dans le temps
« On fluid architecture in which he wanted to move beyond the history of architecture as static form, as idealized and conceptualized geometry. The mere suggestion of fluids introduces a unique perspective towards structure; architecture as an intense geometrical development of matter»
- Macapia 2006
Toute architecture est, à différents niveaux, adaptable (Schnädelbach, 2010). Le concept d’adaptabilité réfère à un courant de pensée selon lequel un objet de design doit s’adapter à son environnement, ses usagers ainsi qu’au contexte dans lequel il est réalisé. À l’échelle de la ville, les projets urbains doivent donc être sensibles aux contextes bâti, culturel et humain dans lesquels ils sont établis sans toutefois être statiques dans les fonctions qu’ils occupent au sein de l’ensemble. Ils doivent être en coévolution avec les caractéristiques du milieu dans lequel ils s’implantent pour contribuer à son développement sans devenir désuets.
L’adaptabilité du bâti se rapporte à un mouvement architectural qui considère plusieurs disciplines pour fonder ses bases. En effet, les concepteurs lient les arts aux sciences sociales et humaines en passant par l’architecture et le design urbain pour proposer des projets plus intégrés à leur contexte et plus fluides dans le temps et l’espace (Schnädelbach, 2010).
La notion d’adaptabilité porte en son cœur la temporalité. Elle remet en question la durée de vie utile des bâtiments, des infrastructures, des places publiques, etc. en proposant des stratégies de design qui permettent de la prolonger pour offrir des espaces plus durables, plus écologiques et plus profitables (Schmidt et Austin, 2016).
L’urbaniste Bentley (1985) réfère aux objectifs défendus par l’adaptabilité à travers son concept de robustesse. En effet, la robustesse se définit à travers la capacité d’un espace ou d’un lieu à offrir des possibilités d’appropriation et à s’accommoder aux besoins de ses usagers et au contexte qui l’entoure. La robustesse cherche à défendre un idéal de pérennité de l’objet de design en défendant une conception plus inclusive, qui permet une multiplicité d’usage, plutôt qu’un design spécialisé plus difficilement modulable dans le temps.
En confrontation avec la célèbre maxime « Form follows function », l’architecture adaptable défend une conception qui intègre le changement au cœur de ses considérations. Ainsi, le processus de design est teinté par l’objectif de modularité des espaces et des usages au sein du projet. Une nouvelle thèse émerge : « Form allows functions ».
Identifiés par Schmidt et Austin, voici des composantes qui influencent l’adaptabilité d’un projet.
1. La spatialité
Pour assurer la pérennité d’usage d’un lieu, les concepteurs doivent agir directement sur la résolution de l’espace en y permettant un usage multiple plutôt que spécifique. Ils doivent concevoir un lieu où la forme accommode les fonctions (Schmidt et Austin, 2016). Influencés par les intérêts du client, ceux-ci devraient minimalement, selon Bentley (1985), situer les «zones rigides», difficilement déplaçables, dans des secteurs où elles ne nuiront pas à l’investissement nouveau du lieu. Ils devraient aussi renforcir l’adaptabilité des fonctions en jouant sur la superficie des espaces, misant davantage sur des lieux où les échelles permettent une multiplicité d’usages plutôt qu’une spécialisation précise.
2. Unités physiques et design inachevé
Les unités physiques du lieu réfèrent au milieu bâti à travers les choix qu’il permet aux usagers dans les activités qu’il offre et les possibilités qui en découlent. Selon Schmidt et Austin les unités physiques devraient comprendre des unités mobiles qui permettent la modification et la modulation des espaces et de leurs caractéristiques selon les besoins des usagers et le contexte. Cette modularité du lieu peut entre autres être avancée à travers un design incomplet, qui peut toujours être développé davantage. De fait, l’espace est, selon eux, une entité abstraite sans usage spécifique tant qu’elle n’est pas investie par les usagers. En acceptant de laisser ses usagers investir le lieu, celui-ci s’adapte plus facilement à leurs besoins et évolue dans le temps puisqu’il est flexible. Le design est réfléchi pour admettre le changement. Par son aspect inachevé, le lieu donne le pouvoir aux usagers de s’approprier l’espace pour ses besoins, il permet une versatilité d’usage. Bentley parle alors d’une conception qui admet l’altération. L’usager est une composante active de l’architecture qu’il complète pour se l’approprier.
Primordiale dans l'appropriation du lieu par ses usagers, la lisibilité est définie par Bentley (1985) comme la qualité que possède un lieu qui permet l'anticipation des personnes qui le traverse. Ainsi, les repères que forment les édifices et les places publiques ne sont pas formés des même typologies que les zones privées moins polaires. La lisibilité se définit donc à travers la possibilité qu'a l'usager de se l'approprier et de l'anticiper sans la connaitre complètement. Il peut deviner les espaces à venir.
Cette qualité urbaine s'articule selon deux niveaux d'interprétation du lieu: sa forme physique et les activités qui s'y produisent.
3. Architecture kinesthésique
La kinesthésie architecturale représente sa capacité à être modifiée formellement et dans l’espace. Elle lui permet d’admettre les changements et conditions changeantes externes au projet pour s’y adapter. Elle embrasse le changement plutôt qu’elle ne le repousse. Cette théorie réfère par exemple au développement organique du lieu. Composante du changement, l’architecture est alors prévue pour agir comme un organisme dans l’espace où elle est modifiée en partie sans que son intégrité soit toutefois menacée. Elle se définit à travers une architecture conçue pour le futur.
4. À la limite de l’espace
L’espace public s’anime avec ses usagers. Afin d’y assurer leur présence, les bords de rues doivent être aménagés pour permettre un glissement des activités intérieures vers l’extérieur (Bentley, 1985). Ainsi, selon les activités qu’on trouve au rez-de-chaussée des bâtiments qui bordent l’espace public, l’animation des façades et de la rue contribue à animer l’espace et ainsi à renforcir sa robustesse. La conception des bords de façades est cruciale pour la nature des activités attendues à l’intérieur des bâtiments.
Les types de rues qui composent l’espace auront aussi un impact majeur sur son utilisation et son potentiel. Une rue très passante nécessite l’aménagement nécessaire pour permettre au volume de piéton qui l’emprunte d’en profiter. Les marges doivent considérer l’espace nécessaire pour garnir les rues d’aménités urbaines qui contribueront à enrichir l’espace public sans nuire aux flux de piétons en mouvement.
La place de la voiture influence de façon majeure l’aménagement des rues. Leur conception et leur type sont influencés par la robustesse des espaces qui les composent. En effet, Bentley avance par exemple qu’une rue piétonne ne peut exister que si des chemins alternatifs pour la voiture existent et que l’espace public est impacté négativement par sa présence. Selon sa largeur, la rue piétonne devra être animée par des supports qui rattachent les usagers à l’espace.
Responsive environments, Robustness, Bentley (1985)
Lisibilité, Bentley (1985)